Dois-je maigrir ?

Depuis janvier, grâce à mon tout nouveau programme sportif, je perds du poids et modifie ma silhouette ; cela se voit.

Les uns le disent et ça m’énerve. Les autres le taisent et ça m’énerve.

Ceux-qui-disent disent très volontiers : « C’est bien. » Je les trouve très pénibles avec leurs jugements de valeur ! Et j’ajoute : ainsi donc, « les z’autres » veulent que je maigrisse. Tout au moins me le souhaitent-ils.

Pourquoi ?

Je n’ose pas encore poser la question. Je me demande si je vais recevoir un bon point ? Une image ? Combien d’images pour un kilo ?

Personnellement, je n’ai jamais souhaité pour quelqu’un qu’il grandisse, blondisse ou brunisse, se muscle, se redresse, se rééquilibre, s’affine. Ni qu’il grossisse ou maigrisse. Jamais.

En revanche, la certitude de l’existence de ce désir que « les z’autres » ont pour mon corps et moi me vrille les nerfs. Et si, en décidant de perdre du poids, j’entrais dans le désir des autres ? Eh ben, ça me ferait mal, ça dis-donc. Je vous interdis à vous « les z’autres » de juger mon corps, ma silhouette, mes kilos, mes formes, mes fesses qui dépassent et mon gras qui bourrèle, vous qui me jugez à l’aune de vos propres représentations, vous qui voyez les gros comme les héritiers honteux de Gargantua, lourds, inutiles, goinfres et paresseux, vous qui croyez encore que ces coupables honteux engouffrent des hamburgers à longueur de journée pendant que les minces font du sport.

Peut-être que cette volonté de me voir maigrir leur apparaît comme le simple reflet de ma nécessairement propre volonté. « Que pourrait-elle vouloir d’autre », se disent-ils ? Comment peut-elle accepter de trimballer tous ces kilos ? (réponse : elle ne peut pas trop bien !) « T’as vu à quoi elle ressemble ? » « Qu’est-ce qui lui est arrivé ? » Sur ce coup-là, je suis d’accord : cette envie de maigrir me tenaille, bien qu’elle reste à l’état d’envie. Même si je n’en parle pas, serait-elle donc une évidence ?

Peut-être que plutôt que de vouloir que je maigrisse, veulent-ils encourager ma démarche ? Peut-être me veulent-ils plus heureuse ? Me veulent-ils plus jolie ? En meilleure santé ? Voilà qui pourrait être acceptable. Mais soyons clairs, personne ne s’intéresse autant à la santé du mince qui boulote à longueur de temps des saloperies servies par l’industrie agroalimentaire. On a donc bien un petit souci avec cette histoire d’obésité ; vous ne me l’enlèverez pas de l’idée.

Alors, dois-je maigrir ?

Évidemment. Car j’ai besoin de m’aimer plus, de m’aimer mieux.

Cette démarche esthétique m’apparaît peu à peu totalement sensée. Parce que se sentir belle permet d’entreprendre, de participer, de rayonner, de restaurer la confiance en soi. D’être soi au lieu d’être « la grosse de service ».

Pourtant, j’ai conscience que le résultat d’une chirurgie sera esthétiquement pire que mieux. Mon corps va s’effondrer, c’est certain … Muscle du coucou en débandade, ventre en tablier flottant, cuisses en dégoulinade … le mieux sera obligatoirement un mieux habillé !

Avec cette perspective d’un physique de sac vidé, j’ignore de moins en moins les arguments relatifs à ma santé. On se la souhaite assez tous les mois de janvier pour ne pas, parfois, en réaliser la valeur immense. La santé, ça compte !

Il ne me reste plus qu’à ne pas écouter le mal, ne pas dire le mal, ne pas voir le mal ; il ne me reste plus qu’à balayer les injonctions extérieures et décider de maigrir, ou pas, d’être opérée, ou pas, d’abandonner, ou pas, en tous cas légitime, libre, souveraine.

Marie

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